Economie / 3 minutes de lecture

L'immobilier autrement

L'immobilier autrement

Aujourd'hui, on laisse bien souvent plusieurs maisons derrière soi avant de pouvoir trouver la sienne. Nous sommes la génération du changement. En quête de rêve, d'évasion, d'émotions.

Nos souvenirs d'enfance se sont nourris de la grande maison de pierres bâtie par nos grands-parents au début du siècle dernier. Des murs épais. Une construction solide. Solide comme leur vie. Sans trop de place pour le changement. Sans place non plus pour le rêve ou l'évasion. Ni même la fantaisie. Une maison sécurisante. Une de celle qui résiste au temps, aux catastrophes naturelles, aux pas d'une famille nombreuse, aux cris et aux rires des enfants, aux drames de la vie, et au bonheur simple. Une maison construite à la sueur des fronts, dont les briques ont été payées avant de les poser, pour la famille, et les générations suivantes. Un bien transmis comme le plus précieux des cadeaux.

Un toit. Des murs. Un héritage.

« Alors vous bâtissez des maisons, parce que les pierres, elles, durent. »

Jean Anouilh

Nos parents, eux, ont effleuré une part de rêve. Ils se sont offerts le ’’privilège’’, voir le ’’luxe’’, de se choisir d'autres murs pour installer leur famille. Un endroit neuf, comme leur histoire. Ils ont contracté un emprunt, flirté avec le risque, veillant néanmoins à rester maître d’une certaine sécurité financière.

La grande maison de pierres, ils l'ont gardée ou vendue, c'est selon. Nourrissant encore un espoir de ’’transmission’’ pour leurs enfants : inculquer les valeurs d'antan et ancrer des racines. Sachant pertinemment que l'avenir de la génération du milieu se tracerait sans doute ’’Ailleurs’’.

Les murs se sont faits moins épais, un peu moins solides peut-être. Suffisamment toutefois pour résister à leur vie à eux. Le jardin, un peu moins grand. Les arbres, moins nombreux.  Les vignes, moins étendues. Pour se laisser un peu de temps. Oser un peu de cet "Ailleurs" aussi, juste de temps en temps.

« Le privilège, voir le luxe, de se choisir d'autres murs. Un endroit neuf, comme notre histoire. »

Deux générations plus tard, quelques 100 ans de plus, nous sommes les petits-enfants, ou arrières petits-enfants qui jouaient à cache-cache entre les arbres fruitiers et le potager, courant dans les lignes de la vigne. Ceux-là même qui dévoraient à pleines mains les fruits du jardin, qui rentraient se mettre au chaud au coin du feu, les pieds terreux et le sourire heureux, les souvenirs dans la peau, devant un morceau de tarte tout juste sortie du four ... loin, très loin des soucis de leurs aïeux.

Ces petits-enfants, c'est Nous.

La génération 2.0. Celle du progrès, du virtuel et du zapping. Du consumérisme. D'une certaine vie par procuration. D'indépendance. De possession mais aussi de vagabondage. Abandonnant peu à peu cette quête de pouvoir financier pour une certaine forme de luxe absolu : un peu plus de temps et de liberté. Cherchant à privilégier la part de rêve, d'évasion et d'émotions.

De nos aïeux nous avons gardé ce besoin de ’’construire’’, de nous poser. Pourtant, nous sommes la génération du changement. Nous ne nous contentons plus d'un seul métier, d'un seul lieu de vie. Redevenus nomades au gré des bouleversements de l'existence. Des familles qui se font, se défont et se reconstruisent. Tout comme une maison.

« Sans la maison,
l'Homme serait un être dispersé.
Elle le maintient à travers
les orages du ciel et de la vie. »

Gaston Bachelard, La Poétique de l'Espace

La maison, ’’quatre murs tel un corps extérieur’’ qui contient nos émotions. S’y sentir bien pour rêver d’Ici et d’Ailleurs dans un certain éloge du temps.